Lettre à Edward.

Voilà presque six mois que tu es parti. Il n'y avait aucune lettre, et rien n'indiquait ton départ. Les jours s'étirent et se confondent. Et j'attends, j'attends toujours l'aube, mais l'espoir, tu vois, il se gomme au fur et à mesure que le temps passe. J'ai arrêté de compter les jours voilà des semaines, mais ton visage, à cette table, c'est comme le fantôme d'un souvenir. J'ai parfois l'impression de te revoir, mais si j'essaie de croiser ton regard et de me confronter à la réalité, tu disparais, et je m'aperçois alors que ce n'était rien de plus que mon imagination fautive. Comme la première fois que tu t'en es allé. Cette fois je sais pourtant que tu ne reviendra pas. Je sais que tu es vivant, je sais que tu es toujours là, quelque part, que tu protèges peut-être ta famille, et toi même aussi. Tu as tant à faire, Edward. Lorsque tu étais là, je ne voyais qu'une parti de toi même, et c'était si peu. J'oubliais à quel point tu étais grand, à l'intérieur. Combien tu étais fort, et tu peinais à cacher les qualités humaines qui te caractérisaient si bien. Alors personne ne les voyaient, personne ne pouvait comprendre tu sais, c'est si dur de voir lorsque l'on se cache les yeux. C'est tellement difficile de s'apercevoir des choses si elles ne correspondent pas à nos inclinations. Toi, tu le savais, et tu le sais surement toujours. Tu souffrais, parce que l'on croyait à tord que tu n'avais plus foi en toi, même plus dans la vie. Quelque part, c'était vrai. Je ne m'étais pas aperçue à quel point tu étais vide, et tu n'avais pour seul complice que toi même.
J'ai tant à te dire, Edward. Des choses que j'aurais dû t'avouer avant que tu ne partes, avant que tu ne disparaisses. J'en ai assez de ces comédies humaines. Le carrousel est rouillé, désormais. Je savais bien qu'un jour tu disparaîtrai. Je pensais seulement que j'aurais encore le temps, et je ne voulais pas admettre qu'une fois de plus, tu te serais échappé de ces conventions qui ne te correspondent pas. Je sais maintenant que tu vaux mieux qu'elles. Mais tu l'as compris bien avant moi. J'ai le cœur qui pèse à force de retourner le passé. Il hurle, en vérité. J'ai continué comme si de rien était, je me disais, à tord peut-être, que c'est ce que tu voulais. Je n'avais pas à te suivre là où tu es allé. Ça ne regardait que toi.
Mais peut-être que j'ai mal compris ton message. Peut-être voulais-tu que je vienne, tu aurais pu croire que je saurais où te trouver. Mais tu vois, Edward, j'en suis incapable. Je suis incapable de te deviner, et j'ai mal. C'est fatigant, d'être humain. Tu es là, dans ces murs, dans ces couloirs, partout où je suis, j'ai l'impression que tu vas arriver, et que l'on continuera ce que l'on avait entreprit de bâtir. Moi, j'avais construit mon avenir en ton nom. J'ai confiance en toi. Peu importe où tu te trouves maintenant.